J’adore les love story et celle de Transfariana est incroyable. Incroyable, d’abord car elle a pour cadre une prison — La Picota en Colombie — ensuite pour ses protagonistes : Laura Katalina et Jaison Murillo. Lui est détenu en tant que prisonnier politique, pour son implication au sein de l’organisation des FARC 1. Elle, pour une vieille histoire de vol, est condamnée à perpétuité, isolée dans un département de haute sécurité en raison de sa transidentité. Laura ne se laisse pas démonter pour autant et décide d’étudier le droit pour assurer sa propre défense. Une Elle Woods 2, version documentaire d’auteur. Je l’ajoute direct à la liste de mes héroïnes.
Entre les murs, les deux amant·es font le récit de leur combat politique comme à un journal vidéo. Puis, POV, image low qualité, iels nous emportent dans leur intimité hors normes. Je me délecte d’être au cœur de cette correspondance. L’amour pudique mais évident de cette relation me fait fondre. Par caméra interposée, un dialogue prend forme, fil fragile qui fait exister leur amour empêché. Mais rien n’est impossible à qui sait bien aimer : Laura se bat pour sa survie quotidienne en prison et Jaison pour faire accepter cette union freak au secrétariat de l’État-major des FARC. Cette romance hautement politique est ainsi précieusement confiée au réalisateur, Joris Lachaise, qui, malin, en fait la colonne vertébrale de son film. Trans + FARC = Transfariana. C’est le nom que se donnent les militant·es trans des FARC. La puissance de cet amour agrège dans son sillage toute la complexité de l’histoire de cette guérilla marxiste et lui fait prendre un tournant doublement révolutionnaire : une alliance militante entre la lutte des FARC dans la jungle et celle de travailleur·euses du sexe transgenres de Bogota.
Par une joyeuse dialectique, le montage croise les séquences de manifestations dans la rue, d’entraînements paramilitaires dans la jungle, d’assemblées générales et de discussions en marge. L’amour de Laura et Jaison est alors rejoint par celui de Daniela et Maximo, d’Yurani, d’Andreas, de Mathilde, Yoko et les autres, par les embrassades et les conversations passionnées entre camarades. L’espace du film s’élargit pour accueillir toutes ces complicités et penser la force politique de l’anomalie qu’incarnent la rencontre des deux amant·es.
L’efficacité empathique du film vous amène tout droit à ce que je ne peux qu’à peine vous faire sentir avec quelques mots. Révolutionner avec ferveur votre façon de voir. Plus besoin de vous convaincre qu’on ne perd jamais son temps devant une bonne histoire d’amour.
- Le sigle complet étant FARC-EP : Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée du peuple
- Legally Blonde, Robert Luketic, 2001