Interview de Peter Friedman et Jean-François Brunet

Apparemment, vous avez eu quelques difficultés à trouver une production, était-ce justement dû à la forme atypique du documentaire ?

Oui, encore que la production documentaire ne soit pas en elle-même quelque chose de facile. Dés que l’on parle de documentaires scientifiques, on entre dans un univers dans lequel les préjugés dominent dans le cadre d’un format très défini. Donc, effectivement notre film a eu du mal à trouver sa place dans un domaine précis de par sa forme. Cependant, assez rapidement, nous avons reçu le soutien d’ARTE et de la ZDF et de quelques autres plus institutionnels. Mais notre principal soutien est venu des États-Unis avec I.T.V.S. (Independant Television Service), qui regroupe un service public ayant pour vocation de soutenir les réalisateurs et producteurs indépendants, donc dans une large mesure des projets qui se veulent différents. De plus ce soutien n’exerce aucun droit de regard quant à la réalisation et dans notre cas, c’est aussi ce que nous désirions. Notre film n’a été qu’une seule fois projeté en public, à l’occasion du festival VUES SUR LES DOCS de Marseille (1). ARTE a prévu de le diffuser dans Grand Format à la rentrée mais c’est après son apparition sur le Marché du film de New York qu’il trouvera ses marques.

Est-ce que dès le départ du projet, vous avez songé au schéma métaphorique qui allait agrémenter le film ?

Ces métaphores entre les deux mondes-et nous tenons à cette séparation-sont avant tout des outils afin de se familiariser avec le sujet des cellules et c’est leur seul utilité, même si au-delà de ces images familières, elles peuvent posséder un autre rôle.

Effectivement, la grande majorité des gens n’ont aucune connaissance de la Science en général parce qu’ils ne regardent pas la nature telle qu’elle est. Cela dit, je m’oppose violemment à utiliser le regard sur la Nature pour tirer un discours moraliste. Sur la biologie en général, les gens cherchent systématiquement à faire des leçons de morale et c’est un non-sens dans la mesure où faire de la socio-biologie systématique est dangereux et justifierait des régimes comme le nazisme et le stalinisme. Si effectivement la cellule peut-être considérée comme un individu à part entière, elle n’en est pas pour autant humaine. Et au-delà de ce paramètre, des notions telles que l’expérience historique, la réflexion philosophique voire d’autres ne peuvent interagir sur la vie et la mort de la cellule alors que l’homme, lui, possède un pouvoir sur lui-même et une mémoire qui interviennent non seulement dans son raisonnement mais aussi dans ses choix.

Nous n’avons pas trouvé d’inspiration dans le monde des cellules, c’est le contraire et c’est en cela que la société humaine est un outil. L’intérêt réside aussi dans le fait que chacun trouve dans le film quelque chose qui l’intéresse. Par exemple le scientifique «pur» peut regarder ce film comme un adulte lirait volontairement un livre pour enfant, et serait sensible à sa poésie, ses couleurs. Nous avons cherché à trouver un juste équilibre entre l’artistique et le scientifique, donc tenté que chacun accède au plaisir.

Votre film justement a suscité quelques interprétations au sein même de notre équipe de rédaction concernant les parallèles que vous mettez en avant malgré le désir évident de l’éviter ?

Oui mais nous avons volontairement introduit ces images afin d’ouvrir une porte sur un autre monde. Et le fait est que l’être humain a machinalement envie de rapporter à son monde ce qui l’entoure et dans ce cas ce qui l’habite.

Propos recueillis par Nathalie Sauvaire & Davide Daniele

  1. Une mort programmée a reçu le Prix Planète Câble (Prix du public).