Une leçon particulière de musique avec Scott Ross de Jacques Renard

Filmer la musique. Dans quels buts? Pour quels publics? Films consacrés à l’enseignement des «maîtres», à l’exécution du grand répertoire. Vulgarisation? Pédagogie? Les approches, multiples, sont souvent réductrices, didactiques, destinées à un passage à la télévision.

Mais un film sur la musique peut-il être autre chose qu’un film d’information, qu’une simple captation de l’événement…

La vision d’ « Une leçon particulière… » bouscule toutes ces questions. Le destin tragique de Scott Ross, mort deux mois après le tournage, fait du film un document bouleversant. Mais l’intérêt historique de ces instants ne suffit pas à expliquer  la violence de l’émotion qui s’en dégage. Même s’il apparaît désincarné par la maladie, Scott Ross rayonne par la flamme de son regard et avec ses mains de musicien…

Sa présence dépasse, provoque la forme traditionnelle de l’interview. Il vit la musique. Dans un dépouillement absolu. Pas de messages, ni de pédagogie assenée, on touche plutôt aux racines profondes de l’art, de son art, dans une grande leçon d’humilité.

La problématique de l’image de la musique ou de l’image du discours sur la musique disparaît. L’émotion résonne. L’amour passe dans ces instants magiques où le regard du réalisateur révèle l’essentiel et accède à la grâce. Deux fois Scott Ross dit regarder les œuvres baroques pour comprendre l’interprétation des musiciens et compositeurs de l’époque : le regarder, c’est comprendre sa musique. Et la caméra s’attarde sur les statues de la Villa Médicis… La personnalité exceptionnelle de Scott Ross (il a raison de se dire «forcément génial»), sa présence, en font un vrai documentaire, une vraie rencontre de cinéma qui désigne l’invisible entre les mots, les images, la musique…

Anne Rogé