Le parti et le moi

Que faire ou les élections législatives 1993 au sein d’une cellule communiste de Bagnolet, pose d’emblée le rapport affectif, identitaire, qui relie l’individu dans son adhésion au Parti : « Mon père déjà… les Brigades Internationales, les réunions chez ma mère, le drame de Charonne, sauvé d’une rafle pendant la guerre je dois ma vie au parti ».

Puis face à la première question, « Qui veut participer à la campagne ? », surgit immédiatement la dissociation individu/groupe. Si je souscris à la campagne nationale je refuse de m’investir dans la locale. Montrer l’autre du doigt pour parler de soi. Dans ce refus, cette opposition relative au Parti, c’est le désir d’être entendu comme individu qui se manifeste.

Cette problématique se déroule tout au long du « Fil rouge » qui interroge la place et la résonance accordées à la parole des militants de base. La grande majorité d’entre eux revendique une liberté -qualifiée cyniquement par la petite hiérarchie de « concept mou » – et un espace pour que des idées différentes trouvent à s’exprimer au sein du Parti. Pourtant, paradoxalement, ce sont souvent les mêmes qui refusent d’intégrer l’émergence des courants réformateurs. Les reconnaître reste dangereux, voire castrateur, en ce qu’ils occultent toujours l’expression individuelle. C’est l’impossibilité de se représenter soi-même comme une «tendance», alors même que l’on décide, caché derrière elle, de ne plus soutenir le candidat officiel. Mais aussi, impossibilité d’exister par soi-même au sein d’une structure terriblement verticale qui, finalement, écrase ses adhérents en refusant de leur donner  les possibilités de faire prospérer des idées, mêmes minoritaires. Comme le souligne un militant, « la démocratie ne se fait pas dans l’explication de texte, encore faut-il avoir les moyens de l’exercer ».

Donnant, donnant, sous l’emprise de l’organisation qui véhicule une part de mon identité, je préfère, dans le mal être, accepter de taire mon opinion contraire à la ligne officielle. Mon camarade enfonce le clou : « mieux vaut être bien dans sa peau hors du Parti » que mal dedans, à l’exclusion semble-t-il définitive, de pouvoir y être bien en y restant. Et  d’envisager ainsi que le courant réformateur pourrait être, justement, ce lieu où s’épanouit mon libre-arbitre.

Christophe Postic et Éric Vidal