Filigrane

Avant-hier, s’est tenu un intéressant séminaire sur « Un siècle d’écrivains ». J’y étais. Bernard Rapp aussi. Assis derrière un micro, un peu comme à la télé, sauf qu’à la télé on ne voit pas le micro. Et puis autre chose en lui me paraissait différent. Une anomalie quelque part. Son regard, ses gestes, ses lunettes… Oui, bien sûr, ses lunettes ! Celles qu’il tient habituellement dans un geste « pivotien », et qu’il avait posées devant lui sans les toucher. J’étais déçu, je ne le reconnaissais pas complètement. Mais était-ce dû à sa présence… Quel séminaire de qualité ! Des questions sur le cahier des charges, le style des émissions, le choix des auteurs et leur liberté d’action, la production. Tout cela abordé dans une atmosphère détendue, sans énervement aucun. Même les rares critiques étaient émises d’un ton feutré, sans provocation aucune. Et Rapp qui répondait en souriant, un petit mot d’humour par-ci, une explication par-là. Vraiment un débat remarquable. N’empêche, j’aurais bien aimé qu’il porte ses lunettes. Sans elles, il me paraissait comme déshabillé. Je ne voyais maintenant plus qu’elles, là sur la table, en attente, orphelines. Qu’est-ce qui l’a finalement poussé à faire le geste que j’attendais désespérément ? Mouvement conscient ou pur réflexe télévisuel ? Une chose est sûre : d’un coup le niveau de la réflexion est monté d’un cran lorsqu’elles ont surgi au bout de ses doigts.

Francis Laborie