Édito

Hors Champ, c’est quoi ? C’est, depuis 1995, le journal des États généraux du film documentaire de Lussas. D’abord quotidien, il est depuis 2020 un unique (et donc d’autant plus précieux) numéro. Les bénévoles de la rédaction aiment voir les films avec vous et semblent avoir pris la flemme des nuits blanches. Cette année, iels sont sept : Kiana Hubert-Low et Robyn Chien, nouvelles recrues, Baume Moinet-Marillaud et Caroline Châtelet, from le comité de sélection d’Expériences du regard, Céline Leclère de retour après une pause, Baptiste Verrey et Clémence Arrivé à la nouvelle coordination, Alix Tulipe pour le passage de relais, et Clémence Rivalier au graphisme. On a tous·tes un pied dans le cinéma. On est professionnel·les des festivals, artistes, réalisateur·ices, monteur·ses ou habitué·es de Lussas. On choisit plutôt de défendre des points de vue personnels et situés, aucun·e ne se place en expert·e. L’écriture est résolument collective. Avec un format de quelques pages, on prend du temps pour des films qu’on apprécie ou dont on aime les questions qu’ils nous posent. Forcément, il y a des lacunes, on travaille nos frustrations. Cette année, Hors Champ est augmenté d’une page Spéciale Été. Vous y retrouverez, entre autres, l’horoscope Planètes Lussas pour choisir au mieux vos films et une belle grille de mots fléchés. À siroter en attendant le début de la séance, bons visionnages !

Comment démonter un monument

Le collectif Faire-Part est à la fois un lieu d’échange, de collaboration et de réalisation de films entre Bruxelles et Kinshasa. Fondé en 2017 par quatre cinéastes, belges et congolais – Rob Jacobs, Anne Reijniers, Nizar Saleh et Paul Shemisi – il interroge les conditions dans lesquelles s’élaborent leurs films, dévoilant les ressorts néocoloniaux du cinéma lui-même.

En plein été, j’écris au collectif pour leur proposer un entretien. Rob joint à sa réponse leur manifeste : une simple retranscription de la discussion WhatsApp du collectif, mise à jour au fil du temps. Le texte qui suit regroupe des citations issues de ce document ainsi que des extraits d’un entretien réalisé avec Nizar Saleh quelques jours après ce premier échange. Nizar commence par me raconter la naissance du collectif :

Nizar : En 2015, Anne et Rob sont venus au Congo pour faire un film sur le monument de Léopold II, une copie conforme de celui érigé en Belgique. Paul et moi les avons accompagné·es à travers Kinshasa, à la recherche des archives du déboulonnement des statues au Congo dans les années 1970. C’est deux ans plus tard, en 2017, qu’est née l’idée de Faire-Part, le premier film du collectif. En cherchant son titre, les collègues belges nous ont dit : « Chez nous, quand il y a une fête, quand un enfant naît, on distribue des faire-parts ». Alors on a adopté ce nom pour que le film et le collectif deviennent une invitation ouverte à collaborer, à réfléchir avec nous.

Anne : Le projet de Speech for a Melting Statue vient de l’idée de Nizar de faire un film sur les deux [quartiers] Matongés, de Bruxelles et de Kinshasa. J’ai commencé à filmer en Belgique et Paul en RDC mais ensuite le COVID est arrivé, on s’est retrouvé·es à court de budget et nos vidéos respectives ne fonctionnaient pas ensemble. Finalement c’est Rob qui a trouvé une autre direction.

À l’image de son processus de réalisation, Speech for a Melting Statue commence par une hésitation. Un discours fragile, humble, sujet à la répétition, inventé par Marie Paule Mugeni pour parler d’un évènement qui n’a pas encore eu lieu : le déboulonnage de la statue de Léopold II à Bruxelles. La voix de la poétesse touche au cœur, son texte est solaire et ses mots sont importants. Dans le titre, « melting » désigne à la fois le mélange – celui des sculptures métissées, désirées pour notre époque – et la dégringolade, la chute des statues des tortionnaires qui hantent encore les places de nos villes. Le phénomène des déboulonnages ouvre une brèche historique dans laquelle le collectif Faire-Part circule déjà.

Nizar : Dix ans après l’indépendance, il y a eu cette crise d’identité où les Africain·es voulaient s’affirmer. Ils ne voulaient plus copier les blanc·hes, ne plus s’habiller comme les blanc·hes, se coiffer comme les blanc·hes, parler comme les blanc·hes… Les déboulonnements sont arrivés à ce moment-là. La Belgique a volé au Congo son passé mais depuis le Congo a avancé, alors que la Belgique est restée en retard sur certaines choses. Maintenant elle doit se rattraper, accepter qu’une partie de son futur est au Congo.

Speech for a melting statue ouvre un portail qui débouche sur un monde parallèle, capable d’accueillir des paroles restées trop longtemps silencieuses. Créer des espaces qui transfigurent le travail de mémoire est au cœur de la vision du collectif. Dans cet élan, Nizar Saleh et Paul Shemisi organisent des projections itinérantes dans les rues de Kinshasa, cherchant à développer une culture cinématographique propre à la ville.

Nizar : Avec Paul, on voulait projeter des films dans la rue pour tous les publics, pas seulement pour les artistes et les spectateur·ices averti·es, mais pour les enfants de la rue, les vendeur·euses ambulant·es. On a vu beaucoup de films sur l’Afrique mais très peu de films de l’Afrique : on ne sait pas ce que les Africain·es pensent d’elleux-mêmes. Les subventions des projets viennent de structures européennes comme l’Institut Français, l’Institut Goethe, le Centre Wallonie Bruxelles. Très souvent, elles produisent des Européen·nes qui viennent tourner deux semaines, avec un emploi du temps tout prêt, un projet déjà écrit et qui ne donne lieu à aucune projection en dehors des lieux partenaires.

Le problème néocolonial des modes de financement engendre des oeuvres qui, selon Nizar, « créent à leur tour de nouveaux clichés sur l’Afrique, parfois véhiculés par les Africain·es elleux-mêmes. » En parallèle, de nombreux films essaient de poser des questions voisines à celles du collectif Faire-Part, une convergence de thématiques qui soulève l’enjeu d’un nouveau « genre décolonial ».

Nizar : Je viens de voir le film Colette et Justin (2) d’Alain Kassanda, un film sur Kalenji, un opposant à Lumumba. Cela m’a fait réaliser que je connaissais mal cette histoire et qu’il existe un mouvement décolonial dont on ne se rend pas forcément compte au Congo parce qu’on n’a pas accès aux mêmes informations. L’existence de ce genre de film est rendue possible parce que des personnes afrodescendantes travaillent dans les musées européens, parce que des descendant·es de colons ressentent une culpabilité, avec le travail politique de Black Lives Matter. Mais ce grand mouvement décolonial me fait peur aussi, parce que ça devient un cliché. Ça veut dire quoi « décoloniser » ? Est-ce que ce n’est pas une nouvelle forme d’objectivité, qui risque de figer ce à quoi doit ressembler une décolonisation ?

Nizar me parle du festival de performances SOKL, où le collectif invite des artistes et activistes à se mettre en scène sur une réplique de socle monumental. Le fait de filmer est-il encore un moyen efficace de se confronter au néocolonialisme, alors même qu’il peut en être le support ?

Nizar : Le cinéma est un point convergent, un carrefour. Dans un film, il y a la musique, la performance, la danse, les expressions, les non-dits et le langage non-verbal. C’est un médium très fort pour cette raison. Surtout qu’il a aussi été utilisé par les colons pour instrumentaliser l’image des Africain·es. Ils s’en servaient comme Jésus dans les églises, c’était des images universelles. En Afrique, on a des fétiches : pour moi une caméra c’est comme un fétiche. Ça te montre quelque chose du monde. La technologie a changé, mais elle garde cette puissance animiste. Pour cette raison, ce qui a été fait avec le cinéma doit être défait avec le même outillage. C’est comme démonter une statue : tu dois utiliser les mêmes clés, les mêmes vis, les mêmes pinces qui ont servi à boulonner le monument, afin de pouvoir le démonter un jour.

  1. Le titre est emprunté à une affiche réalisée par Decolonize this place pendant le mouvement Black Lives Matter, diffusée en France par les Éditions Burn~août. Decolonize this place, trad. Mama Road, Comment démonter un Monument, 2021, affiche, Éditions Burn~août.
  2. Voir l’article Par la racine de Clémence Arrivé

Planète·s Lussas

Sagittaire

AVENTURE
SPIRITUALITÉ
INSTINCT

  • Méandre ou la rivière inventée : « Le film tisse des liens entre les mondes immergés et submergés dont les prismes multiples engagent une rencontre réparatrice entre humains et non-humains »
  • Les Sœurs Pathan : « À mesure qu’elles grandissent, le passé les rattrape. »

Capricorne

OBJECTIVITÉ
ORGANISATION
CONSTRUCTION

  • En attendant les robots : « Otto plonge dans un monde robotique qui soulève la question de l’humanité.»
  • 4801 nuits : « À moins de tenter le tout pour le tout : un voyage, au-delà du cercle polaire pourrait changer le cours de mon existence. »

Verseau

RÉVOLUTION
ALTRUISME
INDÉPENDANCE

  • La Mère de tous les mensonges : « Une jeune femme à la recherche de la vérité. »
  • Juste un mouvement : « La jeunesse locale joue son propre destin à l’imparfait du présent »

Poissons

COMPASSION
MYSTÈRE
SACRIFICE

  • Darkness, Darkness, Burning Bright : « Vaste sentiers fleuris, fraîches ramures, Bosquets pleins de parfums, d’oiseaux et de murmures. »
  • La Langosta Azul : « El Gringo, arrive dans un village des Caraïbes pour enquêter sur l’apparition de homards radioactifs.»

Bélier

NAISSANCE
IMPULSION
COMBATIVITÉ

  • Les Prières de Delphine : « Peu à peu, au fil des confidences entre Delphine et la réalisatrice,se dessine le portrait d’une génération de femmes sacrifiées »
  • La Mécanique des choses : « Mon chat est tombé du huitième étage. Et il a survécu »

Taureau

COCOONING
MATÉRIALITÉ
STABILITÉ

  • Mascarades : « Ils se déguisent, chantent et rient pour appeler la pluie et lancent pétards et confettis pour la Terre-Mère »
  • Un syndicat du documentaire est-il possible ? : « Le meilleur moyen pour y parvenir serait de créer un regroupement le plus large possible des professionnel·les »

Gémeaux

DUALITÉ
ESPIÈGLERIE
COMMUNICATION

  • By The Throat : « Explore une frontière plus profondément marquée, bien qu’invisible, qui détermine les sons et les mots que nous prononçons »
  • Oiga Vea! : « En marge de la societé du spectacle »

Cancer

SENSIBILITÉ
ROMANTIQUE
INTUITION

  • Unter : « Gouffres et montagnes. De l’eau… uniquement de l’eau ! Et rien pour éponger tout ça ! »
  • Je reviens dans 5 minutes : « Mon angoisse de sa mort est aussi sourde que la joie dans ce monde. »

Lion

SOLEIL
ASSURANCE
GENEROSITÉ

  • Autorretrato (Dormido) : « Nous savons tous qu’Andy Warhol a réalisé un film de plus de cinq heures sur un homme qui dort. Après l’avoir visionné, je me suis demandé ce qui se passerait si je supprimais les passages fastidieux de Warhol. »
  • La boucle documentaire liberté de création ? : « De plus en plus d’élu·es se donnent le droit d’écarter des projets de films qu’ils ou elles jugent politiquement sensibles. »

Vierge

PRÉCISION
PURETÉ
RAISON

  • Flowers Blooming In Our Throats : « Une description de l’équilibre fragile sur lequel repose notre quotidien domestique. »
  • Météorologies : « Quel temps fera-t-il aujourd’hui ? »

Balance

ÉQUILIBRE
HÉSITATION
UNION

  • Les Oubliés de la belle étoile : « Ils se réunissent enfin pour briser le silence. Une épopée bouleversante sur le chemin de la mémoire et de la justice.»
  • Where Do I Belong? : « Deux femmes se rapprochent et repensent les traces et les traumatismes qui les lient au profit d’une libération de la parole »

Scorpion

MUTATION
SÉXUALITÉ
MAGNÉTISME

  • Nuestra Película : « Finalement on comprend que ce portrait est plus qu’une méditation classique sur la mort : c’est une émouvante revendication sur l’art de vivre. »
  • Chienne de rouge : « Une femme se réveille un matin avec ce désir, filmer du sang. »

Juge, Like, Commente

Un contre-point au séminaire : Filmer les procès, filmer la justice… L’image juste ?

Cette année, sur les réseaux, j’ai vu en boucle les images du procès opposant Johnny Depp et Amber Heard. Diffusé dans son intégralité et en direct à la télévision américaine, j’en ai vu surtout les fragments repostés sur TikTok. Reposant sur la diffusion virale, la plateforme encourage l’utilisateur·ice à créer son propre contenu à partir de vidéos existantes. Une même séquence tourne en boucle, subissant autant de doublages ou de remakes qu’il y a d’utilisateur·ices. Des versions alternatives, ainsi commentées, du procès Depp vs Heard se démultiplient à l’infini, dans une boulimie visuelle dont je me délecte. Dans ce procès parallèle mèmesque 1 qui se déroule sur les réseaux, ce sont surtout des fans de Depp, des militants antiféministes et anti-trans qui alimentent l’algorithme. Amber Heard y est moquée, taxée de pleurnicheuse et de manipulatrice – les féministes n’ont qu’à bien se tenir. La répétition parodique de ces images devient la condamnation populaire de Heard et s’introduit à l’intérieur même du procès. Elles ont constitué un appui de taille pour les avocats de Depp, qui sont parvenus à gagner l’adhésion de l’opinion publique à défaut du procès. Si les faits de violence de Depp sont déclarés « substantiellement vrais » et « prouvés » en 2020 par la justice britannique, ils n’entrent pas dans les chefs d’accusation qui ne concernent que les actes de diffamation réciproque du couple. Très peu commenté autrement que comme une actualité people, ce procès incarne pourtant le fameux backlash 2 antiféministe tant craint après les Me too.

Confier au public les images des procès signifie-t-il forcément la bascule vers une justice populaire ? Que peut le cinéma lorsqu’il filme l’exercice de la justice ?

David Perlov réalise en 1979 Memories of the Eichmann trial, dix-sept ans après le procès du criminel de guerre nazi condamné à mort en 1961 à Jérusalem. Dans ce film crucial de l’histoire des procès, on peut voir un proto-protocole TikTok, la simultanéité des commentaires en moins. Perlov s’invite dans l’intimité de ses témoins pour recueillir leur souvenir du procès face caméra. Certain·es étaient présent·es comme témoins, d’autres se rappellent l’avoir vu à la télé. L’une des femmes interrogées, Sara Neumann, se souvient que pour ses parents, l’enjeu du procès n’était pas tant la condamnation d’Eichmann, que dans « la possibilité de dire au monde ce qu’il s’est passé. » Le juge n’est plus là, le procès est fini, mais les archives conservent en elles la puissance énonciatrice du jugement. Le cinéma déployant le temps, il répète la parole que le procès ne donne qu’une fois et le dispositif de Perlov ouvre aux témoins la possibilité de dire une deuxième fois.

Chaque matin, dans la cour du père du réalisateur Abderrahmane Sissako à Bamako, un étrange tribunal à ciel ouvert prend place. La disposition est la même qu’ailleurs : une estrade en bois, des piles de dossiers et la robe du magistrat. Les témoins : une écrivaine, un instituteur, un chanteur, etc. se succèdent à la barre accompagnés de leur avocat. Chacun·e étoffe un point de vue supplémentaire sur le contentieux intenté par les pays d’Afrique à la Banque mondiale et au FMI. La mise en scène crée une tension comique entre documentaire et fiction. Ici, les habitant·es traversent l’audience pour étendre le linge, remplir une casserole, discuter. L’irruption de la vie quotidienne au milieu du procès convoque la sphère sociale au sein d’un écrin d’impartialité et de neutralité. Après visionnage, je n’arrive pas à définir la nature des images. Ce procès a-t-il vraiment eu lieu ? Si le droit permet une parole performative – une déclaration qui produit un acte par sa simple énonciation – la fiction d’un procès reproduit l’effet de justice, ne serait-ce que par le protocole de distribution de la parole qu’il produit. Le plaidoyer final de l’avocate des parties civiles (interprétée par l’avocate et femme politique sénégalaise Aïssata Tall Sall) est reçu comme un verdict irrévocable et cathartique. Il y a quelque temps, j’en avais d’ailleurs déjà vu des extraits sur les réseaux, où la nature du document (réelle ou fictive) devenait secondaire. L’existence de l’image du procès parvient à produire un effet de justice.

Pourtant, les audiences retransmises en direct par des mégaphones dans la ville, qui captivent d’abord les habitant·es de Bamako, les lassent peu à peu. Comme pour une chanson mille fois entendue, iels finissent par débrancher le système de retransmission. Le procès et sa comédie se referment sur eux-mêmes. Le cinéma fait peut-être ici le constat d’un échec : la théâtralité du procès fascine et dissimule son absence effective de justice. Si l’on en croit la loi du 22 décembre 2021, qui prévoit la possibilité de diffuser en direct certaines audiences publiques, le dispositif n’aurait qu’à être amélioré, à être rendu plus performant, plus transparent, plus démocratique pour restaurer la « confiance dans l’institution judiciaire». Ainsi, la réforme Dupond-Moretti témoignerait de la volonté de l’institution d’être une meilleure version d’elle-même grâce à la circulation des images. Chaque personne ayant lu les comptes rendus des comparutions immédiates suite à l’assassinat de Nahel par les forces de police, produit par les bénévoles des Legal team anti-raciste est en droit d’en douter. Les procès ne montrent que l’injustice du système pénal au sein d’une société profondément raciste, sexiste et capitaliste. Les filmer ne peut que confirmer la nécessité de repenser le concept de justice et de le sortir des tribunaux. Le cinéma, en exposant ces images, rendrait-il désirable un abolitionnisme pénal révolutionnaire 3 ?

  1. Retour de bâton. Phénomène décrit dans Backlash : la guerre froide contre les femmes, 1991, Susan Faludi
  2. mème: élément de langage reconnaissable et transmis par répétition d’un individu à d’autres.
  3. Pour elles toutes, 2019, Gwenola Ricordeau.

Petite émission de magnétique frangine

Hayat appelle Leila et Leila appelle Hayat, leurs voix se brouillent. L’amour entre les deux sœurs comprime les espaces. On entend des histoires sur leur mère, le sexisme, le racisme, la naissance d’Inaya. Le récit qui suit est une transcription imparfaite des voix enfouies sous les grésillements.

Quand le bip se perd
À ciel ouvert
La seule étoile
Rose et floue
Augure un cap
Mer arctique
Murs de France

(pas de signal)

De ta mère reste
La malédiction
Si l’iceberg
Te cogne le flanc
La petite arrive
Vire à l’arrière

(mère-miroir)

Mokhenache, get us back
Tu attends, tu attends, tu attends
Elle a les yeux grands ouverts
Elle est vive
Reviens vite

(brouilla*e,
*a m* rend*e ma**de)

Briser le cycle
Avec le roulement
D’un tire-corde
En haut de la
Mission claire
Le souffle est court
L’éclat de rire

(sextan)

L’horizon sépare
La mémoire des odeurs
Et des condensations
Baisé le pied
Fini le sein

(zone blanche)

Que de jouer la dure, nanana
Qu’une femme d’un mètre soixante
Peut-être capitaine
Que tu es belle, tu es du Sud
Que si tu parles, c’est toi la folle
Que l’autre du syndicat
Te laisse seule

()

C’est imprimé dans mon sang
Comme un oiseau trouvé
Loin de son buisson
Soigné, nourri, aimé
Pour finir dans une boîte
(paperwork)

Siggi
Non à la bague
Pour une tente
Pour une cale
Pour un call

(Inaya)

Lunch Break

Cut-up feat. Leslie Kaplan, L’excès-L’usine, 1982

12h00

Sharon Lockhart filme la galerie souterraine d’un chantier naval, pendant la pause déjeuner des ouvrier·ères, la Lunch Break. A-t-elle jamais été aussi longue ? Quelle est sa durée habituelle ? Finira-t-elle ?

« Ni début, ni fin. »
« À l’intérieur de l’usine, on fait sans arrêt.»
« On est dedans, dans la grande usine univers, celle qui respire pour vous. »

12h27

Les ouvrier·ères sont assis. Certain·es mangent, d’autres lisent, se reposent. Parfois la lenteur les fond au décor, parfois elle les détache. On a le temps de les voir. Iels sont nommé·es dans le cast : Maurice, Todd, Doug, Chris, Andrew, Ed, Merle, Nathan. Et une Kasha. Est-ce elle que l’on a vu au début ?

« C’est une femme un peu lourde, elle a un chignon gris. On passe, on la regarde.
On voit ses formes. »

13h12

Sharon Lockhart ne laisse pas d’échappatoire, pas d’écart possible. On a tout le temps de s’installer dans le plan, d’en sentir l’oppression. Pas d’appel d’air.

« Quand on arrive devant une usine qu’on ne connaît pas, on a toujours très peur. »
« On a mis la blouse. Dans la poche, il y a des pièces pour la machine à café. Parfois on met la main dans la poche, pour sentir. »

35h57

Une heure vingt pour aller d’un bout à l’autre du couloir. Ce lent travelling requiert notre attention. On pense à ce qu’on sait de l’usine, du travail à la chaîne, on tente de déchiffrer un sticker sur un casier, un titre de journal. Alors qu’on traverse un espace collectif, le film nous laisse seul·es. Si on peut s’égarer dans nos pensées, la physicalité étouffante du trajet nous oblige toujours à être là.

« Le temps est ailleurs : seuls existent l’espace, dans la tête, infini, et toute vie maintenant, ramassée et pleine, comme un caillou mort. »

47h25

On entre dans une matière photographique en 35 mm. On pourrait croire à un décor de fiction. Les lumières semblent travaillées, la scénographie ciselée et rigoureuse.

« On passe dans la carcasse légère, mince et suspendue, de l’usine.
On est dans la matière qui se développe, la grosse matière, plastique et raide. »

73:45:57

Machines, moteurs, voix à vitesse réelle : la bande son aux allures bruitistes a été composée par Becky Allen et James Benning. Elle est un refuge pour notre attention, on tente d’en extraire des bribes de conversations. À la fois un repère et un nouvel espace de perdition, un fond bourdonnant qui nous épuise.

« L’espace est silencieux. Trous de bruits, trous de bruits partout. »

Édito

Cette seizième édition des États Généraux, la dixième pour Hors Champ, s’ouvre un an après le dur conflit des intermittents, conflit dont on mesure à peine les conséquences dramatiques, notamment sur le plan humain. Sur le front de la création documentaire en tant que telle, les nouvelles ne sont pas franchement meilleures. Malgré quelques succès incontestables en salle, les difficultés à produire des œuvres documentaires qui sortent des sentiers esthétiques (re)battus sont, elles, bien « réelles ». Il suffit, pour s’en convaincre, de jeter un œil sur les « cases documentaires » proposées ces dernières années par les différentes chaînes publiques ou privées et d’évaluer l’étendue du désastre. Pour une fragile Lucarne en effet,

Hors Champ

combien de fenêtres insipides ? De fait, sans une université d’été comme Lussas, sans les festivals avec compétitions nationales et internationales, un certain nombre d’œuvres inédites ou hors normes (par leurs formes, leurs durées, leurs choix plastiques) resteraient quasiment invisibles. Inaudibles, aussi. Quelle télévision prendrait aujourd’hui le risque, pourtant minime, de diffuser des œuvres aussi sensibles ou percutantes que celles de Guy Gilles, d’Antti Peippo ou encore de José-Maria Berzosa, pour n’en citer que quelques-unes ? Dans ce contexte s’affirme ici et ailleurs, l’impératif collectif et individuel de sortir de « l’entre soi » pour lâcher prise et nous ouvrir à des états de matières, de couleurs, d’images et de sons qui reformulent sans cesse notre expérience de spectateur.

Éric Vidal pour l’équipe

À qui perd gagne

Que se passe-t-il quand Godard réalise un film sur un mathématicien ? Par quelles voies le poète en cinéma essaie-t-il de saisir une pensée scientifique ?
Avec René, Godard subvertit le genre convenu de l’entretien grâce à son inimitable nonchalance et une réalisation surprenante.
Dans son film, deux formes d’esprit se rencontrent et se percutent. Celle du cinéaste se fonde sur l’association d’idée, l’analogie et l’approximation. Elle a pour elle la légitimité d’une pratique artistique et du dispositif filmique. En face, le mathématicien René Thom raisonne logiquement avec méthode et rigueur, pour tenter de vulgariser sa « théorie des catastrophes » mondialement reconnue.
Dans un premier temps, Godard, jamais visible à l’écran, donne l’impression de ne pas résister à la tentation d’user à plein des moyens expressifs que lui offrent montage et effets spéciaux.
Au tableau noir sur lequel Thom trace à la craie figures et symboles, il oppose un écran transformé par la palette graphique en tableau transparent, où s’incrustent avis tranchés (« faux, non-sens »), jeux de mots et schémas un peu fantaisistes, comme autant de commentaires mettant à distance certaines paroles de Thom.
Aux métaphores explicatives du scientifique, répondent des insertions d’images connotées, proposant au spectateur d’autres lectures, politiques, artistiques, ludiques, de l’échange en cours.
Est-ce à dire que le cinéaste voudrait faire valoir ses points de vue au détriment du sujet filmé ? Il serait tentant de le croire, mais à mieux y regarder, il n’en est rien.
Avec son attitude d’élève un peu paumé mais appliqué, Godard se livre à une sorte d’autodérision qui décrédibilise l’hypothèse qu’il veuille avoir raison. Comme un cancre arrivant à poser des questions auxquelles les premiers de la classe ne songeront jamais, il amène le mathématicien à exprimer des convictions personnelles qu’il n’aurait pas livrées autrement.
En créant une concurrence artificielle entre le système du film et l’exposé du scientifique, il réalise subtilement un report de sympathie en faveur de celui qui en est la victime. Thom, par sa patience et sa bienveillance, paraît d’autant plus sympathique qu’il s’efforce d’accepter cet esprit intuitif et tâtonnant, aussi éloigné du sien soit-il, qui l’interroge et joue avec lui.
Avec ce qu’il inflige au spectateur – frustration du regard empêché de voir ce qu’écrit Thom, paroles parfois rendues inaudibles, surcharge visuelle des incrustations – Godard active une envie de comprendre qui tente de surmonter ces obstacles, s’irrite de ces procédés, bien qu’elle en soit peut-être aussi le fruit.
La forme profite donc ici paradoxalement, non à celui qui semble se mettre en avant, mais au mathématicien pour lequel travaille tout le film.
Avec Nombres et Neurones de Benoît Jacquot, la tension a lieu cette fois, non entre réalisateur et penseur, mais entre deux scientifiques devant la caméra. Ce qui fait difficulté n’est plus du côté du dispositif, mais au niveau des propos échangés.
La controverse réunit le mathématicien Alain Connes opposé à un neuro-biologiste, Jean-Pierre Changeux, qui conteste que les objets mathématiques puissent exister en dehors de l’esprit humain. Il est parfois ardu de suivre ces échanges denses et vifs qui jonglent avec des références de spécialiste. Dans un tel débat interdisciplinaire, chaque polémiste convoque les théories de son domaine pour mieux contrer l’autre. Chacun lance à la dérobade des regards à l’objectif : Changeux avec un air assuré, l’autre plus inquiet. Vers la fin de la séquence, Connes s’assure que la caméra le filme bien et se lance alors dans une démonstration, pour lui décisive. Mais rien n’y fait, l’autre n’a de cesse de lui couper la parole, de lui refuser son écoute. Connes prend alors à témoin la caméra en la fixant, puis regarde quelqu’un hors-cadre, sûrement un technicien, auquel il adresse son argumentation comme à un destinataire de substitution. De la sorte, en passant par le dispositif de tournage, il s’est sorti de la redoutable double contrainte où le maintenait son contradicteur qui lui destinait l’injonction « Explique-toi ! » conjuguée à un « Je refuse de t’écouter ! ».
Les deux films convergent sur l’impression que, même si nous ne parvenons pas toujours à juger de la valeur des discours avancés, notre intérêt et nos faveurs se reportent sur celui qui, mis en difficulté, sait faire preuve de finesse et d’ouverture devant des comportements obtus, voire déroutants. L’intelligence qu’ont les sujets filmés du dispositif de tournage, rejoint alors les émotions et interprétations d’un spectateur impliqué par ces corps qui se risquent à penser devant l’implacable regard machinique de l’objectif.

Étienne Armand Amato

De l’abstrait au visible

Qu’est-ce qu’une pensée filmée, enregistrée, reproductible à l’envi une fois mise en boîte ? Et avant tout, la pensée est-elle vraiment de l’ordre du visible, de ce qui s’enregistre ?
Pour commencer, il faudrait mettre toutes les chances de son côté et convoquer devant l’objectif un grand esprit, reconnu et reconnaissable : philosophes, scientifiques, longue est la liste… quelqu’un qui soit en mesure de répondre à l’exigence du visible, voire du spectacle.
Mais afin de percevoir un processus si immatériel et abstrait, peut-être vaut-il mieux retenir son souffle et se faire tout petit.
Certains, comme Stéphane Ginet devant le philosophe Paul Ricœur, préféreront donc la discrétion et la sobriété : un seul point de vue pour une caméra, des plans-séquences qui s’ouvrent par un titre et filment le grand penseur, éclairé devant un fond noir. Celui-ci a préparé son intervention et se livre à une présentation orale intitulée : Mémoire, Oubli, Histoire. Par une élocution claire et une attitude chaleureuse, il témoigne du véritable souci d’un destinataire qu’il tient pour attentif et sur lequel il veille, jusqu’à reformuler ses propos. D’emblée, cette réflexion filmée en désigne une autre, à la rencontre de laquelle elle va, celle du spectateur.
Un recadrage en zoom avant rapproche du visage concentré de Ricœur. Furtive, une autre pensée vient de sortir de l’ombre, celle du film cette fois-ci, qui voulait encourager l’attention mais n’est parvenue qu’à se faire découvrir.
Quitte à révéler clairement leur parti pris, d’autres réalisateurs recourent plus volontiers à une écriture filmique complexe, usant de ses ressources pour dynamiser le documentaire.
Jean-Claude Lubtchansky par exemple, choisissant l’entrevue avec son jeu de questions réponses, déploie de grands moyens autour d’Hannah Arendt. Des travellings circulaires et des zooms, de multiples plans et variations d’axes mettent en image la théoricienne, dont la permanence ressort grâce à tant de variations. Cependant qu’une voix off traduit en français les réponses d’Arendt, les rendant alors presque inaudibles, vient à l’esprit que la pensée en passe beaucoup par la parole et se dévoile dans ses inflexions, silences, hésitations, emportements.
D’ailleurs, que peut enregistrer une caméra, sinon en premier lieu une voix, un corps, où s’incarne une pensée qui les transfigure ? Suivant l’intuition d’un Wittgenstein qui affirmait « Le corps humain est la meilleure image de l’âme humaine », le défi pourrait être relevé de la sorte.
La formidable galerie d’intellectuels que réunissent Knapp et Bringuier dans Bachelard parmi nous, souligne l’intime coïncidence du corporel et du conceptuel. Rassemblés autour de l’œuvre de Bachelard dont ils se sentent dépositaires, leur corps traduisent une intense activité intérieure. Certains regards pétillants semblent se porter sur un monde invisible, y discerner des objets abstraits flottant autour d’eux qu’ils ordonneraient à mesure que jaillit une parole sûre et précise. Les visages s’animent, se plissent, reprennent contrôle ; les mouvements des mains, du torse, de la tête, se font partition gestuelle.
Et de reconnaître, au travers de ces signes, une présence manifeste bien qu’invisible, qu’ils dessinent comme en creux : une pensée bouillonnante qui emprunterait tous les canaux physiques à sa disposition.
Pour autant, le cinéma ne se réduit pas à un simple enregistrement mécanique qui ne ferait que capter du « pré-existant ». Se contenter de prélever à sa source la réflexion d’un être filmé reviendrait à oublier une dimension essentielle, tant de la pensée que du cinéma documentaire : leur conscience d’eux-mêmes, leur réflexivité.
Une séquence du remarquable D’ailleurs Derrida l’illustre très justement. Le philosophe s’adresse en regard caméra à la réalisatrice Safaa Fathy. Il révèle : « On est en train, de façon très artificielle, de préparer un texte que vous allez écrire et signer, et dont je suis le matériau ». Aussitôt, le film accueille cette remarque en la relayant au montage par deux inserts montrant le plateau du tournage.
Précisément, par cette possibilité qu’il aurait de s’envisager lui-même, de se désigner comme s’élaborant, le documentaire serait peut-être l’un des mieux placés pour rencontrer cette activité réflexive qu’est la pensée. En aménageant un espace-temps où se nouent trois pensées, celle du réalisateur, du sujet filmé et du spectateur (potentiel ou réel), il leur accorde de se considérer mutuellement dans leur singularité.
Du coup, la question semble s’être déplacée : plutôt que de filmer une pensée présumée visible, il s’agirait davantage de tirer parti d’une intangible mais puissante relation documentaire. Car celle-ci tisse au sein et autour du film des dimensions ouvertes et réciproques qui engagent les pensées en présence à faire œuvre de cinéma.

Étienne Armand Amato

Voyages au fond des tiroirs

La Scam a choisi de présenter aujourd’hui cinq films dont trois explorent diversement un même désir de connaissance des origines. À une lettre près, de Cathie Dambel, Moi l’année dernière, un voyage vers la mère, de Vincent Martorana et Family secret, de Pola Rapaport.
Sur un sujet on ne peut plus personnel – la découverte tardive de Pierre, premier fils du père de la réalisatrice, dont il a tu, jusqu’à sa mort, l’existence à sa femme et à ses filles – Pola Rapaport construit un film émouvant et pudique. Presque toujours présente dans le cadre lors des entretiens, toujours impliquée, elle se présente en situation de dialogue, d’échange avec ceux qu’elle filme (frère, sœur, mère, neveu), renforçant ainsi l’image du lien familial. Accompagnatrice attentive à chaque étape du film, elle mène à bien cette aventure de re-fondation familiale en se tenant aux côtés de. Par des plans serrés sur les visages, elle donne au spectateur le privilège d’entrer à la fois dans la confidence et dans des questionnements sur la filiation qui nous concernent tous, d’être le témoin de chacun des moments de sa rencontre avec Pierre, puis du voyage effectué ensemble sur les traces du père. Voyage précautionneux au cœur d’un secret. Voyage pour tenter de comprendre l’autre, les raisons de son silence, d’un si long mensonge, pour enfin pouvoir « se trouver soi-même » comme dit Pierre. Et tenter de rajouter quelques pièces au puzzle de leur histoire. Le montage dissocie souvent les images et le son. Cette désynchronisation permet de porter une attention plus grande à l’un comme à l’autre, et participe de la mise en place d’une écoute pudique. Dans ce voyage au cœur d’un album de famille, on manipule les photos avec retenue, on accomplit une promenade nostalgique sur les lieux du passé. Arpenteur délicat des chemins du souvenir, vers la lente recherche de la vérité, le film souligne très justement le besoin de visiter les hauts lieux du roman familial. Une narration non linéaire, des allées et venues multiples entre New York, Bucarest et Paris, épousent les contours sinueux de l’existence du père de la réalisatrice, de la Roumanie aux États-Unis, traversée par la guerre, la résistance, la rencontre successive de deux femmes (les deux mères), l’expérience répétée de l’exil. L’imbrication des questions, des secrets – ces strates d’inconnu dont Pierre et Pola sont les archéologues – est rendue par l’alternance de plans en noir et blanc et en couleur, logique parfois difficile à suivre, mais qui ne nous implique que davantage.
Ces bouleversements de l’image rendent compte de l’irruption de Pierre dans la vie de cette famille. Irruption qui conduit trois femmes à réinterroger la personnalité de leur mari et père, à la lumière de ce fils/frère surgi de l’ombre, et dont la ressemblance physique avec le disparu permet toutes les projections, les comparaisons, les confusions. Dans les scènes où Pola filme la seule silhouette de Pierre dans les rues, se diffuse une nappe de brouillard sur les identités. Comme si, toujours aux prises avec son deuil, Pola « utilisait » cette ressemblance pour tenter de saisir le grand absent. Pierre est un frère bien réel, mais il est aussi la matérialisation à l’écran d’un fantôme. Il donne corps à ce que le père a toujours caché : un pays, une langue, une histoire intime. À travers ces effets de miroir dans lesquels l’arrivée du frère les a plongées, ces femmes n’auront parlé (presque) que du père. Parfois même pour régler leurs comptes avec lui de façon posthume. Mais la confrontation n’aura pas été vaine : tous ont réinterrogé, par le prisme des rencontres provoquées par la caméra, la personnalité de cet homme et leurs relations à lui.
On verra avec intérêt deux autres films de la sélection Scam comme matière précieuse à prolonger la réflexion sur ces questions de filiation – rappelons que la loi sur l’accouchement sous X vient d’être modifiée. Le film de Vincent Martorana suit le parcours de Fabienne, partie rencontrer en Floride une mère inconnue. Celui de Cathie Dambel, À une lettre près, interroge des personnes nées sous X et met en évidence la nécessité pour elles de savoir.
Après chacune de ces paroles sur l’abandon, après avoir entendu Pierre confier à sa sœur qu’il n’aurait pas pu continuer à vivre s’il n’avait pas, enfin, retrouvé cette « famille », on reste face à l’évidence que pour prendre sa place dans le monde, il faut pouvoir en finir avec le vide de l’origine.

Céline Leclère