La Shoah : nombreux sont ceux qui l’ont évoquée, racontée afin que nous restions à jamais dépositaires de cette mémoire « meurtrie ». Des films ont et continuent d’alimenter le débat : comment restituer ce qui a été, comment formuler l’indicible ?
Le cheminement de Danielle Jaeggi est intéressant parce que son approche, loin d’adopter une démarche d’archéologue pour restituer l’univers concentrationnaire, s’effectue « à rebours ». En effet, apprenant que sa tante a été victime du génocide, elle s’engage dans une recherche qui ne s’appuie pas sur la « matérialité », pourrait-on dire, des camps, mais qui privilégie un retour vers le passé. Construit comme une « enquête policière », les éléments en sa possession sont autant d’indices qui la projettent dans un voyage quasi initiatique. Danielle Jaeggi n’utilise ni images d’archives, ni témoignages de survivants, mais des photos d’une jeunesse souriante, des vues contemporaines de Budapest, énigmatiques, enfouies sous les silences de sa mère. C’est au travers de sa quête identitaire qu’émerge l’histoire de sa judaïté, recherche existentielle fondamentale qui donne un sens à sa vie. « Ma mère » dira-t-elle, « est morte à Genève de n’avoir rien dit ». C’est ce tabou qu’elle brisera en dédiant le film à ses enfants.
Une manière simple et intimiste d’exprimer une « mémoire interdite ».
Francis Laborie