Critique sociale toute en finesse, The good wife of Tokyo analyse la place réservée aux femmes dans la société japonaise. Sujet « sensible » s’il en est, dans un pays où la notion de groupe – ciment culturel autant qu’historique de la cohésion nationale – contrarie souvent les velléités d’expression individuelle.
En s’attachant à Kazuko Hohki – de retour après quinze ans d’absence – le film dresse par petites touches le portrait intimiste d’un système cadenassé mais que la succession d’entretiens s’emploie à déverrouiller. Dans ces témoignages énoncés simplement, les muscles zygomatiques sont aussi mis à contribution. En effet le rire, dans sa fonction cathartique, implique suffisamment de distance pour permettre à cette parole souterraine d’émerger. Une parole secrète circulant entre femmes mais qui vise principalement les hommes. Pratiquement absents à l’image, ils n’apparaissent qu’en pointillés, fil conducteur invisible d’une histoire qui les interpelle sans les montrer. Mariage, cohabitation entre époux, relations familiales, rapports à la religion… les témoignages manifestent, selon les générations, les frustrations, les attentes et les espoirs de changements qu’ils génèrent. En posant des questions fondamentales sur l’altérité, le film bouscule les poncifs et les clichés habituels que nous véhiculons en occident. Une démarche que nous aimerions voir plus souvent à l’œuvre dans notre société.
Éric Vidal