Rencontre avec des premiers films. Cyril Kamir pour Le Mari de la femme du boulanger c’est mon frère, (sélection française) et Waldeck Weisz pour Sans adresse, porte de Bercy (SCAM).
Pouvez vous nous faire chacun un rapide historique de votre film?
Cyril Kamir : Je n’ai rien décidé. Je travaillais dans la production et j’en avais marre de bosser sur les films des autres. J’ai fait ce stage des Ateliers Varan qui m’a permis de passer en trois mois, d’anonyme total à inconnu avec un film dans les mains, qui peut dire aux gens «voilà j’ai fait ça». C’est tout.
Combien de temps s’est écoulé entre le moment où tu as envisagé de faire Varan et la fin du montage?
C. K. : À peu près six mois. Au début c’est une question de dossier, puis trois mois de stage. Tu tournes et tu montes à peu près en un mois et demi, voire moins si tu es à la bourre. Tout d’un coup tu as la preuve matérielle peut être pas de ton existence, mais que tu es capable de faire quelque chose. Tu es productif. Pour beaucoup de gens cela peut sembler parfaitement naturel et normal. Pour d’autres c’est de la science fiction. Il y a beaucoup de gens qui ont envie de faire des films et qui ne les font pas. Peu importe la formation, peu importe la façon. Tu finis toujours par faire ce que tu as envie de faire. J’avais écrit des projets documentaires et on ne me prêtait aucun crédit parce que je n’avais rien fait. Maintenant quand je frappe à une porte, je dis : voilà, j’ai écrit un scénario, je l’ai réalisé dans tel cadre, en plus ça a été sélectionné à Lussas, c’est pas désagréable… Les portes s’ouvrent.
Waldeck Weisz : Moi, c’est un projet que j’ai porté deux ans. Une boîte de prod de copains de Censier m’a aidé et j’ai obtenu une bourse de la SCAM. Nous deux, nous avons un parcours très différent. Mon projet de faire des films est là depuis l’adolescence. Pour Cyril c’est quelque chose qui est venu tard. J’ai fait des études pour. J’ai appris des choses et un jour on passe à l’acte. Comme pour Cyril, à un moment donné il y a une espèce de déclic qui fait qu’on passe à l’acte. À quel moment ? Pourquoi ? Je ne sais pas.
Pourquoi le documentaire ?
C. K. : J’ai des projets de documentaires mais j’ai quand même une attirance pour la fiction. J’ai travaillé à la radio pendant longtemps, fait énormément de montage-son sur des petites interviews, des micros-trottoirs et c’est la curiosité qui me pousse à aller voir ce qu’il se passe chez les gens. La fiction, ça vient quant on est débordé d’idées et que l’on peut se permettre de remplacer la parole des autres par la sienne. Pour le texte comme pour les images. Pour l’instant le quotidien est bien plus fort que ce que j’ai dans la tête.
W. W. : Moi, je ne vois pas les choses comme ça. Je n’arrive pas trop à faire la différence entre le documentaire et la fiction. Le documentaire est très scénarisé dans ma tête, autant qu’une fiction. D’ailleurs, mon film est écrit, celui de Cyril, non.
W. W. : Oui, j’ai écrit, Cyril non.
Cyril, tu disais qu’au montage tu t’es aperçu qu’il te manquait des plans…
C. K. : Oui, je n’avais jamais fait de cinéma. Je connaissais le travail du cinéma dans un bureau. J’ai appris. J’ai fait des erreurs. J’ai filmé sans penser au découpage ou au montage. Au moment du montage je me suis retrouvé vraiment dans «la merde».
Y a-t-il eu des rencontres importantes pour vous?
C. K. : Oui, Leacock, sa vie, sa façon d’être. C’est la rencontre la plus importante que j’ai faite. Il explique simplement comment il fait les choses. Ça m’a conforté dans mes choix.
W. W. : Non, ce ne sont pas des rencontres de personnes. Ce sont des films que j’ai vu, des livres… sur des années. Après le film oui. Pas pour le faire. Pour le voir autrement après oui. Je pense que l’on n’apprend pas à être réalisateur. J’ai été cherché une culture à Censier, j’y ai trouvé ce que je cherchais. Ce n’est de toute façon pas la technique qui permet de faire un film et ce n’est pas parce que l’on fait un film que l’on est réalisateur.
Comment réagissez vous aux projections de votre film?
C. K. : En général, je sors de la salle quand le film est projeté. Je n’assume pas les émotions que je ressens.
W. W. : J’aime le début et la fin. Comme lorsque je vais au cinéma. Les débats autour non. Le film est là et ça suffit. Je pense que de toute façon à un moment le film ne t’appartient plus. Un débat c’est bien quant il y a un mec comme Samuel Fuller. C’est un film à lui tout seul.
C. K. : Comme Leacock aussi.
Comment choisissez-vous vos sujets?
W. W. : J’ai choisi un sujet d’actualité. Cela m’intéresse. Je vis avec. De la même façon des cinéastes m’intéresse plus que d’autres. Ken Loach par exemple. Mon prochain film est aussi en plein le social. C’est le portrait d’un médecin qui travaille avec des toxicomanes et des gens défavorisés.
Cyril pourquoi as-tu choisi un membre de ta famille?
C. K. : Au départ, je devais filmer quelqu’un d’autre qui n’était pas disponible. Mon frère, je le connaissais et je ne le connaissais pas. Je l’ai découvert en le filmant, c’est plus dur peut être… Mon film prend un peu le contre-pied de celui de Waldeck. J’ai pris un mec qui a réussi. La société va mal. Il faut injecter des trucs pour aller bien, comme une bouffée d’oxygène. Mon prochain film, je le pense de la même manière : des garçons et des filles homosexuels qui ont un enfant. Ce n’est pas parce que tu es homosexuel que tu ne peux pas connaître le bonheur d’avoir un enfant.
W. W. : Moi je n’ai aucun lien avec ces mecs, mais j’aime l’idée que la famille on se la fait. Ces gens me sont plus proches que nombre de mes cousins. Je les ai choisis et ils m’ont choisi. Le film c’est fait avec eux.
Propos recueillis par Anne Rogé et Arnaud Soulier