Filigrane

Avant-hier, s’est tenu un intéressant séminaire sur « Un siècle d’écrivains ». J’y étais. Bernard Rapp aussi. Assis derrière un micro, un peu comme à la télé, sauf qu’à la télé on ne voit pas le micro. Et puis autre chose en lui me paraissait différent. Une anomalie quelque part. Son regard, ses gestes, ses lunettes… Oui, bien sûr, ses lunettes ! Celles qu’il tient habituellement dans un geste « pivotien », et qu’il avait posées devant lui sans les toucher. J’étais déçu, je ne le reconnaissais pas complètement. Mais était-ce dû à sa présence… Quel séminaire de qualité ! Des questions sur le cahier des charges, le style des émissions, le choix des auteurs et leur liberté d’action, la production. Tout cela abordé dans une atmosphère détendue, sans énervement aucun. Même les rares critiques étaient émises d’un ton feutré, sans provocation aucune. Et Rapp qui répondait en souriant, un petit mot d’humour par-ci, une explication par-là. Vraiment un débat remarquable. N’empêche, j’aurais bien aimé qu’il porte ses lunettes. Sans elles, il me paraissait comme déshabillé. Je ne voyais maintenant plus qu’elles, là sur la table, en attente, orphelines. Qu’est-ce qui l’a finalement poussé à faire le geste que j’attendais désespérément ? Mouvement conscient ou pur réflexe télévisuel ? Une chose est sûre : d’un coup le niveau de la réflexion est monté d’un cran lorsqu’elles ont surgi au bout de ses doigts.

Francis Laborie

Filigrane

Le confinement du cinémobile n’a pas suffi à contenir les débordements théoriques et bien sûr, c’est tant mieux. La rencontre autour de « Décembre en août » a bien eu lieu et ce n’est pas terminé. Quoique… Ou alors elle s’est déplacée. Plutôt que de quadriller l’espace de la problématique, on a craint un instant que les intervenants ne la verrouillent. Le contrepoint n’est pourtant pas venu de celui qu’on attendait : le cheminot ne retrouvait pas le sens de son travail de gréviste dans les images de ses collègues, qui d’ailleurs n’en revendiquaient pas tant. Un chercheur découvrait le monde du travail. Les professionnels ne s’y étaient pas mis à temps, mémoire oubliée, pas même construite, même s’il est encore temps. « Et ça m’a fait doucement rigoler ». Alors au travail…

Christophe Postic

Filigrane

Un ami m’a raconté comment il avait trouvé un oisillon, perdu, sur un trottoir traversé de piétons sans regard pour sa détresse. Il l’avait délicatement attrapé pour le déposer sur un morceau de soleil, couverture accueillante étendue le long d’un petit mur. Comme si la vie d’un oisillon pouvait être sauvé par un rayon de soleil. Ça m’avait même fait doucement rigoler cette idée là. Et j’étais là, à penser à cette histoire en sortant de la salle où venait d’être projeté Que sont mes amis devenus ? fragments de vies disloquées aux quatre coins du monde. Comme quoi les correspondances d’esprit sont aussi impénétrables que les voies de l’Autre. Quoique.

Certains films, et les films documentaires en particulier, semblent tellement perdus dans la jungle mercantile de l’univers cinématographique que la moindre salle obscure ouverte à leur diffusion apparaît comme une petite chance de survie. Lussas, pour eux, est un de ces petits coins de soleil accueillant cette rage de vivre et d’exister. À bien y réfléchir, l’idée de mon ami n’était peut-être pas si conne que ça.

Francis Laborie