Ask the dust

À l’heure où notre ciel verse de jolies larmes d’argent – la Terre croise en ce moment des poussières échappées de la comète Swift-Tuttle, visibles sous forme d’étoiles filantes –, est projeté cette semaine à Lussas Poussière, documentaire savant et poétique peuplé d’empreintes lumineuses. La brièveté du film (5 minutes) est comme celle du passage de l’étoile. Dans son sillage naissent l’enchantement toujours renouvelé d’être relié au principe cosmologique de l’univers, le sentiment d’en être l’hôte heureux.

Grâce aux poussières dévoilées dans une kyrielle d’images spectrales et rayonnantes, Henri Herré nous fait toucher l’infiniment grand. C’est la poussière que l’on sait, parce qu’on la voit et la respire tous les jours. Pourtant, c’est la poussière inouïe, tangible mais discrète, connectée à l’insoupçonnable : notre peau, les matières plastiques, la nourriture, le végétal… Parfois montrée comme une vision monstrueuse et microscopique du pourrissement « fabriqué » puis photographié par Cindy Sherman.

La cachette de la poussière, c’est son état de suspension et de circulation perpétuelle. Son flux est comme chorégraphié, obéissant, pareil à l’amas des galaxies, à des effets de dilatations et de contractions lentes et harmonieuses. Se combinent alors la beauté de son mouvement et celle du contraste entre le noir profond du champ d’observation et l’extrême brillance des particules qui tourbillonnent comme un nuage d’insectes blancs. Dès les premières secondes du film, lorsque l’ouverture d’une lourde porte en bois donne vie à des milliers d’étincelles mobiles, la poussière est comme musicale – Variations pour une porte et un soupir de Pierre Henry. Mais son chant est secret. Au travers de l’expansion illimitée de l’univers, il  résonne silencieusement par des vibrations infinies qui prennent part au cycle de la vie. On sourit à la poussière légendaire, détentrice des origines.

Un autre sourire nous revient, celui d’Hubert Reeves, lorsqu’il dit son bonheur d’imaginer tout ce qui nous relie au Cosmos. Il songe à la chaîne de la poussière. Une hypothèse originale se profile alors, qui nous libère et nous rend rêveurs. Merci la poussière, toi qui possèdes tous les contraires. Tes torsades à cheval entre disparition et renouveau patientaient depuis des lustres, prêtes à être découvertes, réfléchies et absorbées par l’œil. À présent nous te voyons. Tes grains minuscules, qu’il est possible de rassembler d’un coup de balai, sont comme les pièces d’un puzzle à reconstituer pour bâtir de nouvelles croyances sur notre genèse.

Sandrine Vieillard