Édito

Cette semaine pourrait être placée pour qui le cinéma est comme un arbre à plusieurs branches, soulignant ainsi la nécessité de les préserver toutes et d’en laisser s’épanouir ses multiples ramifications. Sur ces brisées théoriques et poétiques, qui sont aussi un espace de liberté critique, abandonnons un instant les vaines querelles de chapelle. Laissons-nous dériver au cœur des différents séminaires et programmations pour vérifier combien la multiplicité des formes cinématographiques, au-delà des catégories et des genres forcément réducteurs, contribuent à défricher un « réel » de plus en plus opaque et insaisissable. Captations sur le vif, reconstitutions, réappropriations, pellicules grattées, sur-impressions, anamorphoses, Found Footage, écrans noirs, disjonctions entre images et sons…: autant de propositions esthétiques et formelles pour traduire la complexité des sociétés contemporaines. L’enregistrement du réel n’est plus, en effet, l’apanage du seul « cinéma documentaire », si tant est qu’un jour il le fut. Les événements, traumatiques ou non, de notre temps réclament d’autres pratiques et d’autres regards. Diversité des images donc, mais aussi des sons. Malaxés, déformés, triturés dans tous les sens, les matières sonores déployées dans certaines œuvres explorent des territoires perceptifs parfois inédits. Car, à l’ère de sa reproduction numérique, « le cinéma » est aujourd’hui partout, et pas seulement grâce à la multiplicité de ses supports de diffusion. Il traverse, irrigue et contamine l’ensemble des images contemporaines (vidéo, installation, danse, internet…) au point d’être l’art qui aura sans doute le plus marqué tous les autres-photographie comprise à travers l’image arrêtée, le photo-gramme ou le diaporama. Amorcée dès l’origine de son invention, cette conjonction entre les images et les sons prend aujourd’hui une nouvelle ampleur qui tire le cinéma vers d’autres horizons et esquisse de nouvelles passerelles entre le document et l’art.

Eric Vidal pour l’équipe