Pendant ce temps, entendu à Lussas

« Je suis tunisienne, je voudrais juste parler de ce que je ressens dans mon pays. Ces documentaires que je viens voir à Lussas ou au FID à Marseille, je ne peux pas les voir dans mon pays, ni en Égypte ni en Algérie ni au Liban. Aujourd’hui les Wahabites, les Chiites ont compris l’importance de l’image, ils ont leurs propres chaînes de télévision. Notre paysage audiovisuel est en train de changer : Tous les Arabes regardent Al-Jazeera ou l’une des vingt-quatre chaînes coraniques. Des télévisions arabes commandent des documentaires qui réécrivent l’Histoire. Al-Jazeera a créé son festival de documentaire, c’est la deuxième édition cette année. Ils sont très forts ; ces gens-là ont compris. Il n’y a plus d’écoute, plus de regard. L’Europe ne s’intéresse plus à l’éducation du regard. C’est important pour nous de voir d’autres images. Et quand je regarde vos chaînes, TF1 ou France 2, je vois seulement deux minutes sur la guerre et ses centaines de morts et cinq minutes de reportage sur le bronzage. Vous n’êtes plus crédibles, et automatiquement toute une génération se tourne vers des chaînes qu’elle pense plus crédibles et qui passent en fait des images d’une autre propagande. Ce qu’un Européen voit à vingt-cinq ans sur le Liban ou la Libye, un Tunisien, lui, voit complètement autre chose. Ce sont deux mondes parallèles qui ne se rencontreront jamais, ne se parleront jamais et moi ça me fait peur. »

Intervention d’une festivalière lors de la conférence-débat avec Georges Corm, Parole sur le Liban / salle 1, lundi 21 août.