Plan fixe, fond noir, cadre serré sur le visage d’une femme. Tous les plans du film possèdent ces caractéristiques. À l’exception de quelques travellings de paysages urbains, ponctuant la parole, créant essentiellement un effet de contraste par la lumière et le mouvement. On est d’abord troublé par la simplicité du dispositif. Le sentiment de manque domine. Envie de voir les mains, les corps, les lieux… Et puis imperceptiblement, l’attention s’accroît, devient plus dense, la parole de ces femmes prenant toute la place. Cinq femmes donc, qui disent le mariage, le leur, et les réflexions qu’elles en tirent. La parole, libre, circule d’une femme à l’autre, les parcours se croisent, se ressemblent, parfois s’opposent.
Qu’il soit imposé ou non le mariage, reste l’aboutissement d’une éducation où le rôle des femmes se cantonne essentiellement à servir les hommes. L’enfance, lieu de fabrique de la servitude des femmes. Servir le père, les frères, d’abord, pour mieux servir le mari, les enfants, ensuite.
Pour l’une, cet événement, imposé par son père à l’âge de quatorze ans, a signifié l’arrêt de ses études. Pour une autre, ce fut une « opportunité » pour venir en France. En revanche, deux d’entre elles ont choisi leurs maris. Ce sont les seules qui les nomment, parlent de leur couple, des rapports qui s’y nouent. Pour les autres, ce « il », absent, semble demeurer un éternel inconnu.
La virginité, et sa preuve, exigée, exhibée, continue à faire peser sur les femmes le poids du sang et des larmes. La description de la nuit de noce, véritable viol officiel, est d’autant plus terrifiante par ce qu’elle sous-tend. Deux univers qui se côtoient sans jamais se rencontrer. Plus tragi-comique, l’évocation de la demande en mariage. Mais qui ne dit pas autre chose. Cependant, tout n’est pas aussi radical et la rencontre reste possible. En témoigne celles qui parlent de leur épanouissement, y compris grâce à leurs maris, et souvent contre leurs familles. Leurs aspirations enfin. Conduire une voiture, rêve de petite fille. Apprendre à lire et à écrire, travailler… Un désir d’indépendance qui ferait d’elles des femmes plus libres
Ainsi, le choix d’une mise en scène minimale, malgré les réticences initiales, a peut-être permis que l’émotion soit au rendez-vous et que la rencontre ait bien lieu. Reste alors le souvenir émouvant d’un flux de parole, miroir de fragments de vies. Et des mots maladroits, définitifs, pour dire la souffrance du mariage subit, comme on subit le mauvais sort, « Ma famille était heureuse, moi, malheureuse ».
Sabrina Malek