L’adolescence est une période de transition, de découvertes, d’attente parfois, comme le sont les grandes vacances d’été. C’est à cette métaphore temporelle que s’attache le film de Laurence Kirsch. Deux mois de soleil, de lumière, de fausse insouciance durant lesquels la réalisatrice a simplement regardé et écouté les « ados » d’une petite ville de province, sans jugement ni affirmation à l’égard d’un âge resté secret.
Filmer l’adolescence ainsi, c’est laisser à ses personnages le choix d’en définir les bornes. Quand devient-on « ado » ? « …on va dire dix ans, parce que j’en ai onze… » dit l’un au tout début du film. « …je me considérerai plus en adulte quand je n’habiterai plus chez mes parents… » ajoute une autre plus tard. En somme, on ne vit pas l’adolescence, on vit son adolescence, on « grandit » à son rythme.
Laurence Kirsch décide justement de ne faire intervenir qu’eux. Ces « ados » livrés à eux mêmes, « libres » de parole et d’action.
Deux espaces privilégiés sont alors choisis : la chambre, lieu clos d’introspection où l’on parle à la caméra, et la nature environnante (la ville parfois), qui définit à elle seule la notion d’extériorité – alors que les repères sociaux de la maison et de l’espace scolaire, sont volontairement mis à l’écart.
Les situations filmées par la réalisatrice dans les chambres de ces adolescents peuvent être assimilées à des clichés du genre (l’ado dans son univers). Mais elles mettent pourtant ici à jour des identités dont l’anodin révèle les perspectives. Là où un ado se projette dans les posters de stars ou dans ses diapositives, un autre se regarde dans une glace. L’image justement qu’il renverra aux autres lorsqu’il se produira sur scène, un peu plus tard. Un autre encore laisse deviner le lieu exigu d’une cohabitation fraternelle. Assis sur son lit superposé, il explique son engouement pour la chanson du groupe de rap IAM : Petit frère. Paroles que lui lance au visage son poste posé sur les genoux, tout près de lui, ultime espace de retranchement. Et les images extérieures, à ciel ouvert, offrent de faux moments d’ouverture parce que la rencontre et la confrontation à l’autre ou au groupe induisent la représentation.
En témoigne la dernière séquence du film où, à travers les concerts et les manèges d’une fête foraine, l’euphorie nocturne prolonge l’artifice en faisant oublier la solitude d’un âge de la vie, avant que la rentrée ne se fasse. Avant que l’adolescence ne passe.
Manuel Briot