Ça paraît si simple

Je devais, en cette soirée du  21 août 1995, visionner quelques films afin d’écrire un article pour compléter les trois mille caractères manquants à la maquette du premier numéro de Hors Champ. Après un délicieux dîner chez nos Amis gourmet suivi d’un café avalé en quatrième vitesse au comptoir, je me dirigeais vers le court de tennis aménagé à cette occasion en salle de projection. L’inauguration des 7ème États Généraux pouvait enfin commencer. M. le Maire et Jean-Marie Barbe nous présentaient un aperçu des festivités à venir, et contrairement aux discours protocolaires habituels, l’intervention d’hier soir avait un ton à la fois chaleureux, simple et convivial. Les craquements de la pellicule marquaient le début d’une semaine riche en projections. Au menu «Le pain et la rue» d’Abbas Kiarostami. Très vite l’atmosphère des grands moments s’installait, et les dix premières minutes de la manifestation se transformaient rapidement en un formidable festin de cinéma. Ici pas d’artifices. Juste le silence de la rue, un enfant, un chien, une caméra pour quelques mètres de pellicule que nous, spectateurs ébahis, ne sommes pas près d’oublier.

Arnaud Soulier

Le Septième étage

Avant que les États Généraux du documentaire ne se déplacent d’une semaine vers la fin du mois d’août, l’actualité qui filtrait jusqu’au fond des salles de Lussas prenait souvent la forme d’une série de chiffres caractérisant un record mondial d’athlétisme, championnat du monde oblige.

1990, l’invasion du Koweït par l’Irak déferle sur les États Généraux, paradoxalement sans aucune image.

1994, Sarajevo entre au programme.

1995, au cœur des commémorations du drame de Nagasaki et d’Hiroshima, on revient en Bosnie avec Ophuls et Veillées d’armes.

Dans la même année, le réalisateur bosniaque Ademir Kenovic déclare à Locarno au cours d’un débat sur Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard, « (…) Ici nous sommes au vingt et unième étage d’un gratte-ciel dont le premier étage est en feu. Quand l’incendie gagnera le septième étage, les cinéastes ne pourront plus rien faire. »… (1)

Pour commencer la semaine, Savoir et Plaisir nous ramène avec force à la question de l’imprégnation par les images, de la trace et de la connaissance. Mais la connaissance mène-t-elle à la conscience, à la prise de conscience par le public et le futur téléspectateur? Et enfin, vers quel « étage » les cinéastes pourraient-ils nous accompagner ?

Plus modestement, au fil de la semaine, chaque jour, ce journal vous accompagnera dans votre cheminement pour vous donner à penser autrement, ou à l’identique, un film, une question, un parcours engagé ou à venir.

Comme un miroir qui reflète et projette une image en un même temps, mais en des espaces différents le sujet critique qui s’offre ici à vous se situe dans l’au-delà du cadre, à la lisière, mais dans le prolongement de ce qui serait le corps sensible des États Généraux. Au travers de la critique de films, des débats, des interviews, des informations, il s’agit de suivre ou de devancer les lignes forces qui se dessinent aussi au quotidien dans la rencontre du public avec les films et les intervenants.

Nonobstant, le tout premier film de la toute première soirée nous aura placé dans le registre du plaisir. D’avance merci M. Kiarostami.

Christophe Postic

  1. Le Monde du 17 août 1995