Allons z’enfants

Les causes nationales sont choses sérieuses. Chose sérieuse également qu’une disparition.

Les versions des témoins diffèrent sur les circonstances de l’événement.

Dans un petit village du Lot peuplé de Hollandais, d’Anglais et de quelques Français, il ne reste guère que quelques animaux pour s’intéresser à cette affaire. D’après le coq de Saint-Martin-de-Vers, le point d’interrogation de Mais où est donc passé le 14 juillet ? a été vu pour la dernière fois aux alentours du 14. Selon le chat du village, il a suivi les traces d’une détective d’origine australienne, elle-même sur la piste de quelques augustes et familières figures de la République française : la fête nationale, son bal, ses feux, Marianne, son visage éternel et ses indémodables parures…

Au sortir de cette enquête, la détective australienne et ses chaussettes colorées se sont, paraît-il, grandement réjouies de l’organisation d’une soirée grillade au village un soir de juillet (le 14). « Et voilà comment un détective australien peut avoir une si grande influence dans un tout petit village ». Avec ce retour festif, disparition du point d’interrogation et début de notre enquête.

Un 14 ou un 15, deux ou trois couleurs, un air entêtant, et quelques monuments : pourquoi la République est-elle ainsi parée ? Qu’elles viennent d’Australie ou de l’enfance, les questions les plus simples sont également celles dont on se débarrasse le moins aisément. Et à mesure qu’elles s’énoncent, naît l’envie de les suivre plus longuement.

Retour sur les lieux de l’enquête tout d’abord. Dans ce tout petit village, on trouve une église et un monument aux morts, une « fricassée » de patrie et de religion, dit-on. De là plusieurs pistes s’offrent à nous : la première passe par la place de la Concorde, s’arrête brièvement dans une caserne de pompiers, un soir de bal, et nous emmène jusqu’à l’ambassade de France à Sydney. La seconde fait figure de chemin de traverse : quelques livres importants, épais et respectables, d’éminents historiens et le temps d’un hymne, un coup d’œil au bonnet phrygien qui sied si bien aux amis de Nathalie Latham… « Le jour de gloire eeeeeest arrillivé ! » La piste des chansons. Lors de ces réjouissances collectives, sur la guillerette et persistante musique de Denis Uhalde, notre point d’interrogation s’est-il envolé ? À moins qu’il n’ait été soufflé par l’air de La Marseillaise repris en beatbox par un jeune garçon à la coiffe républicaine.

Bleu, blanc, rouge. Et si notre point d’interrogation s’était drapé des couleurs de la patrie, et s’il s’était fondu dans les couleurs vives et saturées des photos de Nathalie Latham (rouge pompier, bleu fourrure), et s’il s’était dissout dans les vidéos aux couleurs pâles, passées peut-être, du village ?

Émus aux larmes par un défilé de petits soldats de plomb, le groupe des ânes de Saint-Martin-de-Vers finit par s’interroger : un ton léger, de drôlatiques séquences et le cinéma d’animation, tout cela pourrait-il constituer de nouvelles pistes pour le documentaire ?

Nathalie Montoya